Une visite ne doit-elle montrer que de belles choses ?
Quand on donne des formations sur nos techniques d’écriture de visites décalées, on entend presque à tous les coups cette crainte : “si c’est une visite thématique ou décalée, on ne va pas montrer que les belles choses ?! Ne va-t-on pas se retrouver face à un public frustré de ne pas voir de belles choses ?” Les guides sont persuadé·es que les visiteur·euses ne viennent que pour voir de belles choses. Tous les prestataires communiquent là-dessus “Découvrez le meilleur de Trifouillis-les-Oies !” À tel point qu’on n’a plus que ça en tête. Et c’est “attendu” par tout le monde. Mais est-ce que ça doit devenir une contrainte absolue ? (spoiler si vous avez la flemme de lire l’article : la réponse est NON).
Décaler sa visite c’est d’abord décaler cette vision erronée de notre métier.
Chez Cybèle on pense qu’en tant que guide, on ne s’arrête pas devant un bâtiment parce qu’il est beau, mais parce qu’il a une histoire à raconter. On ne choisit pas de sélectionner des lieux selon leur beauté (toute subjective) mais selon ce qu’ils nous disent. Notre priorité : mettre en récit. Ce qu’on choisit de montrer n’est pas toujours le plus beau mais c’est toujours ce qui illustrera le mieux notre récit. Il faut garder en tête que nos publics préféreront toujours un propos cohérent (quelques soient les lieux visités), qu’un défilé de jolis monuments sans cohérence, ni lien entre les uns et les autres.
Le récit VS les lieux
En visite décalée, il nous arrive d’amener les visiteurs dans un endroit sans intérêt esthétique de manière choisie et délibérée. Le but n’est pas de décevoir le public, mais bien de coller à ce que l’on raconte. Si on raconte une histoire triste ou angoissante, on peut par exemple montrer un endroit sombre, voire moche. Si l’on veut raconter la vie d’une personne bourgeoise, on montrera un bel immeuble bourgeois décoré et lumineux. Et si on veut parler de l’histoire d’un endroit moche, on le fait.
Par exemple, dans notre visite sur la seconde guerre mondiale, on raconte le bombardement du 26 mai 1944 à Lyon. Pour cette scène, on est face à un mur laid et sous un rail de train bruyant. C’est moche, désagréable et il n’y a a priori rien d’interressant à voir, mais il y a les rails de trains qui étaient restés intacts après le bombardement et c’est ce que l’on veut raconter. Nos publics sont toujours très émus par cette scène malgré ce lieu sans intérêt esthétique.
Assumer et communiquer
En revanche pour que ça se passe bien, il y a une chose qui est primordiale : la communication. Si vous communiquez sur “une visite guidée du plus beau quartier” le public s’attendra à une visite classique montrant les beaux bâtiments. Il faut communiquer en amont sur le récit, le ton, l’histoire et pendant la visite, face aux visiteur·euses, si vous assumez totalement le fait de montrer un endroit quelque soit son apparence, sans vous excuser, ça marche très bien. Rassurez-vous, si vous choisissez un lieu de manière consciente et que vous l’utilisez correctement, personne ne sera déçu !
Si au moment de vendre la visite vous réalisez que le client veut surtout voir de belles choses et que ce n’est pas le principe de votre visite, il faut bien l’expliquer et si vous voyez que ça ne lui convient pas ou qu’il vous demande de changer, envoyez-le chez des confrères ou consœurs !
Mais alors, les visites doivent être moches ?!
On n’ira pas jusqu’à cette affirmation. En revanche, on a essayé d’aller au bout de cette idée. Chez Cybèle on a proposé des visites Cymoche. Pour ces visites on a assumé et communiqué avec ce slogan : “Des lieux moches, des histoires nazes et un quiz à la con !” Puisqu’on ne veut pas juste “émerveiller” avec notre “magnifique” ville, on a décider de faire visiter des lieux qui sont connus pour être moches, et ça fonctionne très bien ! Et avec cette communication, le public savait à quoi s’attendre. On ne vous cache pas que c’est un public local qui vient, mais le succès était au rendez-vous.
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